Cette idée, un peu folle, de joindre l’Océan Atlantique à la Mer Méditerranée par les plus grands cols des Pyrénées est de celles qui naissent au cours d’une sortie d’entraînement banale. Des noms mythiques résonnent, le Tourmalet, l’Aubisque, des images aussi, celles des pionniers du Tour de France à l’assaut du géant des Pyrénées. Puis cette idée germe et finalement la décision est prise d’y aller, d’aller se frotter à ces routes escarpées et brumeuses. Les moutons ne sont jamais très loin dans les Pyrénées, les forts pourcentages aussi. Traverser les Pyrénées par la route des cols est une véritable aventure, une aventure hors du temps et du corps.
La trace fut plutôt simple à établir et notre appétit de cols a rendu celle-ci assez naturelle puisqu’elle épouse les cimes pyrénéennes. Pour des questions logiques nous avons décidé de partir de Biarritz et la symbolique a voulu que ce périple se finisse dans la Mer Méditerranée. Nous avons traversé des paysages très différents et aux cultures très marquées : le pays basque, les pyrénées ariègeoises, les pyrénées catalanes … Face au dénivelé cumulé qui nous attendait, le choix s’est vite porté sur 7 étapes dont voici le récit …
Moutons, brume, fringales et aventure
Le premier réveil est très matinal pour quitter Toulouse et rejoindre Biarritz en TER et en TGV en faisant un vilain détour par Agen et Bordeaux. Le temps est frais à Biarritz, la pluie et le vent sont au rendez-vous pour nous cueillir à la sortie du train. La tenue vite enfilée, la photo du départ est prise dans le vent sur le front de mer de la ville basque. Une première étape nous attend et l’envie d’en découdre dans des conditions difficiles finit de nous motiver.
Jour 1 : Biarritz – Saint-Jean-Pied-de-Port (117 km – 1 894 m D+)
Nous disons vite au revoir à l’Océan Atlantique, il faut que dire que le temps est très menaçant. Nous quittons Biarritz sur une route détrempée direction l’Espagne. La trace nous fait traverser la frontière au niveau du facile col d’Ibardin (317 m) que nous avalons sur un rythme modéré. Notre sacoche ultralight bricolée dans un sac Décathlon attire déjà les regards et questions des cyclistes basques que nous croisons.
Côté espagnol, la météo n’est guère plus clémente et nous longeons la Bidassoa jusqu’à Doneztebe. Nous suivons une route très fréquentée par des poids lourds notamment et qui mène à Pampelune. Nous devons être vigilants pour ne pas prendre trop de tunnels et éviter cet axe très fréquenté.
Après Doneztebe, cap à l’est pour repasser en France par le col d’Ispéguy (672 m), plus difficile que le col d’Ibardin mais toujours très abordable, il finit de nous mettre en jambes avant les sommets des jours suivants. La pluie redouble, il fait froid en cette fin juin et nous sommes frigorifiés malgré l’effort. Dans l’ascension la visibilité est très réduite, le brouillard pyrénéen ne faillit pas à sa réputation et seuls les moutons émergent de la brume. Nous sommes très prudents dans la descente qui est détrempée jusqu’à Saint-Jean-Pied-de-Port où nous devons passer notre première nuit, d’autant plus que nous avons négligé l’état de nos patins de freins avant le départ et il faudrait les changer de toute urgence. Nous arrivons rincés par 5 h de pluie à notre premier logement et engloutissons une pizza dans le centre-ville. Demain les choses sérieuses commencent mais il va falloir aussi régler ce problème de patins de freins …
Jour 2 : Saint-Jean-Pied-de-Port – Laruns (118 km – 2 727 m D+)
Avant de quitter Saint-Jean-Pied-de-Port nous repérons un vélociste qui vend les patins de freins dont nous avons besoin pour aborder sereinement les prochaines descentes. Les patins Campagnolo sont une saleté sans nom à changer et il faut s’y mettre à plusieurs pour parvenir à les glisser. Quand nous repartons, le temps est toujours effroyable avec une pluie abondante et des températures assez basses. Nous abordons l’ascension du col d’Iraty sur une route totalement détrempée, nous nous croyons en Irlande tant les moutons sont présents. Le col d’Iraty est notre coup de coeur du trajet, il est magnifique et se monte par étape avec un replat après le col de de Burdincurutcheta. Les premiers pourcentages sont très raides comme souvent dans la région mais la vue est splendide malgré la brume environnante.
Nous avions prévu d’enchaîner avec le col du Soudet mais le manque de nourriture, la pluie et les températures carrément froides pour un mois de juin finissent de nous achever et la fringale survient. Nous parvenons à trouver une petite auberge de montagne que nous dévalisons pour recharger nos batteries. Nous mangeons sous la pluie, dans le froid mais nous sommes heureux. Un bonheur simple que celui de manger quand le corps dit stop. Nous repartons requinqués direction Arette, le temps est toujours aussi mauvais et l’ascension du col de Marie Blanque s’annonce terrible avec des pourcentages très difficiles. Nous effectuons l’ascension depuis Escot et celle-ci se révèle compliquée comme nous nous y attendions … La pluie redouble et les pourcentages sont phénoménaux sur la fin avec près de 4 kilomètres à 12% pour finir. Nous rebasculons finalement vers la vallée pour finir l’étape sur une belle route direction Laruns.
Jour 3 : Laruns – Sainte-Marie-de-Campan (110 km – 3 330 m D+)
Rincés par deux jours de pluie, cette nouvelle journée s’annonce mieux et heureusement puisque l’Aubisque et le Tourmalet nous attendent. Nous partons de Laruns par un temps frais mais qui est idéal pour faire l’ascension du col d’Aubisque. L’Aubisque est un géant abordable qui est certes dur mais qui ne présente pas de pourcentages démentiels (16,6 km à 7,2%). Dans la montée nous croisons le championnat de France de triathlon longue distance qui effectue l’ascension par l’autre versant, l’occasion de saluer des triathlètes que nous connaissons.
La descente s’effectue en deux fois puisqu’il faut remonter sur quelques kilomètres et passer au col du Soulor avant de plonger sur Argelès. Les paysages sont très verts et nous fendons désormais les premiers rayons de soleil de la traversée ce qui finit de nous redonner le sourire. Pour rejoindre le pied du Tourmalet, il faut rouler sur une vingtaine de kilomètres de plat. La route est très fréquentée, beaucoup de cyclistes sont présents et ont décidé comme nous de s’attaquer au géant des Pyrénées. Nous nous ravitaillons à Luz-Saint-Sauveur et remplissons nos bidons abondamment puisqu’il fait maintenant chaud … La montée du Tourmalet est magnifique, le col est grandiose (19 km à 7,4 %) et le manque d’oxygène se fait sentir au sommet. On repense à ces pionniers du Tour de France qui effectuaient l’ascension avec des braquets ahurissants sur des chemins empierrés. Là-haut, nous restons quelques minutes pour profiter de l’instant et de l’exploit que représente toute ascension du Tourmalet.
Finalement nous redescendons sans prendre de risques, direction Sainte-Marie-de-Campan où nous sommes formidablement accueillis dans une auberge avec un repas très copieux et un espace avec des outils de vélo et une pompe.
Jour 4 : Sainte-Marie-de-Campan – Aucazein (143 km – 3 547 m D+)
Cette étape est certainement la plus dure de la traversée sur le papier et elle l’est dans les faits. L’enchaînement des cols nous use, nous montons le col d’Aspin (12,6 km à 5,1 %) sur un bon rythme avant de profiter dans le col de Peyresourde. Les efforts du Tourmalet, la veille, se font vraiment ressentir et nous sommes désormais dans le dur dès que la route s’élève. La descente sur Bagnères de Luchon est extrêmement rapide et permet de battre des records de vitesse puisque les virages s’effectuent sur de grandes courbes.
Nous effectuons ensuite un enchaînement des plus redoutables entre le col du Portillon et le col de Menté. Depuis Bagnères de Luchon, le col du Portillon permet de rejoindre l’Espagne, ce sera notre deuxième et dernier crochet côté espagnol. La vue au sommet est superbe mais nous ne prenons pas le temps de nous refroidir et filons dans la descente pour repasser du côté français après quelques kilomètres de vallée. Le col de Menté est encore plus raide (9,3 km à 9,1 %) et nous faisons l’ascension sur une très belle route, dans la descente le bitume parfait laisse place à un revêtement à la limite du praticable avec pleins de gravillons, les services de l’Etat ayant décidé de refaire la route pendant les beaux jours. Nous descendons prudemment jusqu’au pont de l’Oule, les mains sur les freins pour ne pas chuter.
Se présente finalement le dernier col de la journée, le col du Portet d’Aspet qui affiche lui aussi des pourcentages très violents à près de 15 % dans les 4 derniers kilomètres. Nous nous arrêtons sur la stèle de Fabio Casartellli décédé dans la descente du col lors du étape du Tour de France, avant de terminer l’ascension. Nous passons finalement la nuit à Aucazein où nous sommes là-aussi formidablement accueillis dans un très beau gîte. Le repos se révèle salvateur après une journée à 5 cols.
Jour 5 : Aucazein – Tarascon-sur-Ariège (121 km – 2 798 m D+)
Nous quittons Aucazein après une très bonne nuit et la route ne tarde pas à s’élever avec les pentes du col de la Core. Ce col est très abordable puisque la pente reste très modérée tout au long de l’ascension, sa principale difficulté étant sa longueur. Nous rencontrons dans la montée un autre groupe de cyclistes effectuant la même traversée que nous, c’est un formidable moment de partage et un premier retour d’expérience sur les jours passés. Les Pyrénées ariégeoises sont très peu peuplées et forment une zone idéale pour faire du vélo. Nous enchaînons avec le col d’Agnès sous une chaleur accablante entre midi, les premiers kilomètres sont très pentus (3 premiers kilomètres à 10% de moyenne) et dans l’ensemble le col est plutôt difficile (10,2 km à 8,1 %). Dans la descente nous nous arrêtons au bord d’un lac où des pêcheurs nous déconseillent de nous baigner sûrement pour éviter de faire fuir les poissons, de toute manière nous ne comptions pas nous y attarder.
Le troisième col de la journée se présente, le col de Port qui n’a pas un intérêt démesuré. La vue n’est pas dégagée et les pourcentages sont assez faciles (4,7 % de moyenne), il a un goût bien fade en comparaison des autres géants des Pyrénées. Au sommet nous décidons de faire une sieste dans l’herbe, nous dormons pas loin d’une heure, seulement réveillé par un petit chien passant par là. Nous ne savons pas d’où il est sort mais il est très joueur. Nous restons avec lui quelques minutes avant de basculer sur Tarascon-sur-Ariège et de profiter d’une bonne bière bien méritée au bord de l’Ariège.
Jour 6 : Tarascon-sur-Ariège – Prades (137 km – 3 202 m D+)
Le temps est magnifique aujourd’hui et idéal pour faire du vélo. Nous rejoignons Ax-les-Thermes par la route principale qui n’est pas encore trop fréquentée dans la matinée. C’est jour de marché à Ax et la fatigue des jours précédentes commence à se faire fortement ressentir quand se présente le Port de Pailhères (2001 m) que nous connaissons pour l’avoir gravi l’année dernière. C’est un joli col qui nécessite un bon niveau cycliste pour être terminé sans trop souffrir. Le début du col est roulant mais les 7 derniers kilomètres, après la station de ski jusqu’au col, sont plus que difficiles avec les efforts accumulés depuis Biarritz. En-haut de magnifiques chevaux nous attendent avant de replonger sur Mijanès par une superbe descente sur une route étroite mais de bonne qualité.
Un peu plus loin, nous nous trompons de route et effectuons 15 kilomètres supplémentaires direction l’Espagne. Nous revenons sur nos pas, les paysages ariégeois sont magnifiques et la densité de population est très faible. Nous gérons encore une fois très mal notre ravitaillement et nous nous retrouvons en fringale au milieu de nulle part. Nous cherchons désespérément à manger et croisons finalement un couple de cyclotouristes qui nous donnent quelques restes de leur repas de midi. Nous attaquons le col de Jau le ventre vide et à bout de force, heureusement l’ascension est moins difficile que le Port de Pailhères (13,4 km à 6,7 %). Nous souffrons pour atteindre le sommet, une fois en haut les cols sont derrière nous et il fleure déjà un parfum de fin de traversée. La descente est longue et permet d’apercevoir de magnifiques villages perchés avant de rejoindre Prades. La vue sur le Canigou est superbe et nous nous régalons d’un plat de pâtes après une fringale dont nous nous souviendrons longtemps.
Jour 7 : Prades – Perpignan (77 km – 242 m D+)
Après une nuit à Prades, nous partons pour cette dernière étape qui ne devrait être qu’une formalité. Les routes sont beaucoup plus fréquentés que celles des pyrénées ariégeoises mais les conducteurs sont relativement prudents. Le vent nous est plutôt favorable et nous atteignons Perpignan assez rapidement. Contrairement à une croyance tenace, il n’y a pas la mer à Perpignan et il faut encore effectuer quelques kilomètres (sur une piste cyclable) pour atteindre Sainte-Marie-la-Mer. C’est avec un pincement au coeur que nous nous rendons compte que notre aventure touche à sa fin et nous décidons de nous baigner en gardant un oeil sur les vélos. L’heure tourne et notre train retour est dans une demi heure à la gare de Perpignan, l’aventure s’achève donc sur des kilomètres effectués à vive allure avec un vent défavorable pour arriver à la gare à temps. Nous parvenons non sans mal à avoir notre train pour achever cette aventure sur une bonne partie de manivelles.
Préparation et parcours
Équipements pour la traversée des Pyrénées
Pour prendre du plaisir et profiter un maximum de cette traversée des Pyrénées, nous vous recommandons très fortement de limiter autant que possible votre équipement. Le parcours présente un dénivelé positif impressionnant avec par endroit de forts pourcentages. Ainsi, limiter le poids sur votre vélo vous permettra de progresser plus efficacement.
Si vous effectuez votre traversée en dormant chez l’habitant, dans des gîtes ou des hôtels votre équipement sera normalement très limité. Dans le cas contraire, vous devriez envisager de choisir du matériel de bivouac plutôt léger tout en tenant compte des conditions climatiques parfois rudes (même en été !) et changeantes.
Le temps est souvent pluvieux et humide dans les Pyrénées, n’oubliez surtout pas de prendre a minima un haut à manches longues et/ou un coupe-vent très léger pour les descentes de cols notamment. Le ravitaillement n’est pas forcément facile sur toute la traversée, prévoyez donc des bidons suffisamment grands pour avoir au moins 1.5 L de capacité. Enfin, les longues et pentues ascensions pyrénéennes nécessitent de partir avec son meilleur cuissard pour éviter les irritations, suite aux longues heures passées à se battre contre les pourcentages, alors ne l’oubliez pas à la maison.
A titre d’exemple, nous dormions à l’intérieur tous les soirs et avons donc limité notre chargement au maximum. Nous étions dans un mode bikepacking que l’on pourrait qualifier d’ultralight. Nous avons fait le choix de monter une sacoche très artisanale sur nos vélos : un sac ultralight Décathlon 10L tenu avec des sangles et rendu étanche grâce à un simple sac poubelle à l’intérieur. Le chargement était limité à 3 kilos par cycliste.
Conseils & trace GPX (traversée des Pyrénées par la route des cols)
La trace est étudiée minutieusement pour ne manquer aucun col mythique des Pyrénées et pour éviter les plus grands axes, même si les routes pyrénéennes restent très peu fréquentées. Nous avons décidé de favoriser le dénivelé et les routes bitumées (le parcours est accessible en vélo de route et en bikepacking). Cette traversée est faisable indifféremment d’ouest en est et d’est en ouest.
Les villes de départ et d’arrivée sont accessibles en train (TGV et TER) et permettent de rejoindre le parcours assez facilement.
Les Pyrénées forment un vaste espace peu peuplé, le ravitaillement peut être compliqué sur certaines parties du parcours notamment en Ariège. Il est déconseillé de boire l’eau des torrents de montagne en raison des nombreux pâturages. Pensez à bien prévoir vos ravitaillements et à emporter suffisamment d’encas.
Retrouvez la trace complète de la traversée des Pyrénées en GPX :
Jour 1 – Jour 2 – Jour 3 – Jour 4 – Jour 5 – Jour 6 – Jour 7
JEAN CLAUDE TRITSCH
Bonjour
Très beau descriptif du parcour.
Je pense faire la traversée cet été. Les parcours GPx pour les Jours 3, 4, 5, 6 et 7 ne sont pas accessible. Pouvez vous me le envoyer
Merci
Renaud
Bonjour,
J’ai fait Hendaye – Perpignan à pied en 1998 , pensant naïvement pouvoir suivre le GR … Nous avons vite compris que c’était impossible sur un mois et avons suivi les routes . J’avais 35 ans …
Aujourd’hui plus proche de 60 ans , j’opte pour le vélo voyage (je roule régulièrement) , avec toutes ses contraintes matérielles, pour un périple du Havre à Saint-Jean Pied de Port par la côte, puis rejoignant Perpignan vers Saint-Raphaël, pour remonter au point de départ en passant par les routes du chemin de Compostelle .
Mon option matérielle est donc beaucoup plus lourde. De ce fait, je n’arrive cependant pas à évaluer le temps que cela va me prendre, à cause de la partie montagneuse des Pyrénées: connaissez-vous des exemples d’expériences pour cette partie-là, avec le même profil que moi ? J’ai aussi prévu l’alternative vallée …